Le 21 octobre 2020, « Show me the Monet », l’œuvre de Banksy détournant le paysage des Nymphéas de Monet pour dénoncer le consumérisme de notre société, a été adjugée au prix de 7,6 millions de livres (8,5 millions d’euros) à la maison Sotheby’s de Londres.
C’est l’occasion de revenir sur la protection juridique attachée aux œuvres de cet artiste à succès, qui nourrit tous les fantasmes au sujet de sa véritable identité et qui entend, non sans un certain esprit de provocation, priver ses œuvres de la protection du droit d’auteur, au motif que « le copyright est pour les perdants/les nuls » (« Copyright is for losers »).
Cette provocation de façade n’effaçant pas la nécessité de protéger ses œuvres grâce à des droits de propriété intellectuelle, Banksy a imaginé de recourir au droit des marques, ce qui n’était finalement pas une si bonne idée …
En effet, l’étau se resserre autour de lui, puisque l’EUIPO (Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle), par décision du 14 septembre 2020, a invalidé la marque figurative du lanceur de fleurs (« the Flower Thrower ») déposée en 2005 par l’entité en charge des intérêts de l’artiste et représentant l’œuvre que Banksy avait créée sur un mur de Jérusalem en 2005.
Cette décision fait suite à une procédure judiciaire que Banksy avait initiée en 2018 à l’encontre de l’entreprise britannique Full Colour Black, qui commercialisait des cartes postales reproduisant le « Flower Thrower ». Full Colour Black avait répondu par une action devant l’EUIPO, demandant l’invalidation de la marque figurative de l’UE n°12 575 155, représentant le « Flower Thrower ».
Afin de justifier l’exploitation de sa marque et d’éviter ainsi le risque de déchéance de ses droits, Banksy avait imaginé d’ouvrir une boutique-vitrine (physique) éphémère à Londres, au sein de laquelle, en réalité, personne ne pouvait entrer et un site Internet de vente en ligne baptisé “Gross Domestic Products », sur lequel il était en pratique très difficile, voire impossible, d’acquérir des produits marqués.
De l’aveu même de l’artiste, ce site marchand avait uniquement été créé dans le but de contourner les dispositions légales afférentes au droit d’auteur et au droit des marques, ce qui constituait, pour l’EUIPO, la preuve de la mauvaise foi de Banksy, qui déclarait encore « J’encourage toujours quiconque à copier, emprunter, voler et amender mon art à des fins de divertissement, académiques ou activistes. Je ne veux juste pas qu’ils puissent obtenir la garde (comprendre « le monopole ») de mon nom ».
La vacuité commerciale de cette boutique en ligne, corroborée par les déclarations de l’artiste, a convaincu l’EUIPO de sa mauvaise foi, Banksy ayant sciemment enregistré la marque « Flower Thrower » en méconnaissance de la fonction essentielle de la marque, qui doit permettre aux consommateurs d’identifier l’origine commerciale des produits ou services marqués et de distinguer ces produits/services de ceux des concurrents et n’est donc pas destinée à se ménager un monopole d’exploitation sur un signe dont il n’est pas fait usage à titre de marque.
L’EUIPO a donc déclaré la marque « Flower Thrower » de Banksy invalide, en application des dispositions de l’article 59 du traité n°2017/1001 sur la marque de l’Union Européenne sur les motifs absolus d’invalidité d’une marque (« Une marque de l’UE doit être déclarée invalide (…) (b) lorsque le déposant a agi de mauvaise foi lors du dépôt de la marque »).
L’Office rappelle que le copyright/droit d’auteur a vocation à protéger différents types d’œuvres artistiques originales, au nombre desquelles les peintures et graffitis, mais pour bénéficier pleinement de cette protection, encore faut-il que leur auteur soit identifiable.
Cette décision inédite, qui met en danger l’intégralité du portefeuille de marques déposées par Banksy, a le mérite de rappeler l’intérêt attaché à la protection des œuvres originales au titre du droit d’auteur, pour ceux qui en auraient douté.
EUIPO, [Division d’annulation], 14 septembre 2020, n° 33 843 C.
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