Les œuvres d’art bénéficient d’un régime fiscal particulièrement attractif.
Leur détention n’entre pas dans l’assiette de l’impôt sur la fortune immobilière, dès lors qu’elles ne constituent pas un actif immobilier et leur vente peut être exonérée d’impôts sous certaines conditions.
Mais lorsque ces conditions d’exonération ne sont pas remplies, le vendeur résident fiscal français, imposé à l’impôt sur le revenu, doit opter pour le régime de la taxe forfaitaire proportionnelle au prix de cession ou pour celui de la taxe de droit commun sur la plus-value de la cession. Ce choix est opéré de façon irrévocable. Alors quelle option choisir et dans quelles circonstances ?
En outre, l’achat et la cession d’une œuvre d’art sont assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui a connu une réforme favorable au marché de l’art, applicable à partir du 1er janvier 2025.
I. L’imposition de la cession d’une œuvre d’art
A. L’exonération fiscale lors de la cession d’une œuvre d’art
La cession d’une œuvre d’art sera exonérée d’impôt dans certains cas prévus par le code général des impôts[1] :
- Les cessions ou les exportations d’œuvres d’art dont le prix de cession ou la valeur en douane n'excède pas 5 000 € ;
- Les cessions réalisées au profit d’un musée auquel a été attribuée l’appellation « musée de France » ou d’un musée d’une collectivité territoriale ;
- Les cessions réalisées au profit de la Bibliothèque nationale de France ou d’une autre bibliothèque de l’Etat, d’une collectivité territoriale ou d’une autre personne publique ;
- Les cessions réalisées au profit d’un service d’archives de l’Etat, d’une collectivité territoriale ou d’une autre personne publique ;
- Les cessions ou les exportations des œuvres d’art lorsque le cédant ou l'exportateur n'a pas en France son domicile fiscal ; l’exportateur devant pouvoir justifier d’une importation antérieure, d’une introduction antérieure ou d’une acquisition en France ;
Les cessions portant sur une œuvre d’art détenue depuis plus de 22 ans par le vendeur lorsqu’il peut en apporter la preuve[2].
B. La taxe forfaitaire proportionnelle au prix de cession d’une œuvre d’art
En principe, la vente d’une œuvre d’art en France ou dans un pays de l’Union européenne est assujettie à une taxe forfaitaire proportionnelle de 6% du prix de cession[3]. En cas d’exportation vers un pays tiers, la taxe est calculée sur la valeur en douane. A cette taxe s’ajoute la Contribution au Remboursement de la Dette Sociale (CRDS) de 0,5 % portant l’imposition totale à 6,5%.
Le code général des impôts précise qu’une cession d’objet d’art est réputée réalisée dans l’État dans lequel se situe physiquement le bien au jour de l’opération[4].
Cette imposition s’applique à chaque cession prise individuellement, sauf à ce que la vente porte sur des objets indissociables.
Cette taxe forfaitaire sera supportée par le vendeur ou l’exportateur. En revanche, en cas de participation d’un intermédiaire établi fiscalement en France ou d’un acquéreur assujetti à la TVA établi en France, la taxe forfaitaire sera due par ce dernier[5].
Lorsqu’elle est supportée par le vendeur, le paiement de cette taxe doit être effectué lors du dépôt de la déclaration, dans le délai de trente jours suivant la cession. En cas de non-respect de cette obligation, une amende égale à 25% du montant des droits éludés pourra être appliquée[6].
Lorsqu’elle est supportée par l’acquéreur assujetti à la TVA ou par un intermédiaire, la taxe sera acquittée par ce dernier, sous sa responsabilité, lors du dépôt de la déclaration effectuée selon les modalités de l’article 150 VM du code général des impôts. Le recouvrement de la taxe s’opère selon les règles, garanties et sanctions prévues en matière de taxes sur le chiffre d'affaires[7].
Ce régime fiscal est généralement assez simple et rapide à mettre en œuvre pour les vendeurs, car il ne nécessite pas d’évaluation détaillée de la plus-value réelle ni de justificatifs d’acquisition de l’œuvre.
C. La taxe de droit commun sur la plus-value lors de la cession d’une œuvre d’art
Le code général des impôts permet au vendeur d’une œuvre d’art d’opter pour l’imposition de droit commun sur la plus-value des biens meubles, si cette option lui est plus favorable[8].
Cette imposition pourra être retenue à condition que le vendeur puisse justifier de la date et du prix d’acquisition de l’œuvre à son nom, ou prouver sa détention depuis plus de 22 ans. L’administration fiscale française pourra toutefois refuser cette demande dans un délai de 4 ans si elle estime que les documents fournis n’établissent pas suffisamment la propriété du bien.
La plus-value sera calculée à partir de la différence entre le prix de vente de l’œuvre et son prix d’acquisition, en incluant les éventuels frais d’acquisition et frais engagés pour sa mise en vente.
Au jour de la rédaction du présent article, le taux d’imposition de la plus-value est de 19%, auxquels s’ajouteront 17,2% de prélèvements sociaux, pour un taux d’imposition global de 36,2%. Un abattement fiscal de 5% par année de détention s’appliquera dès la 3e année[9], permettant une exonération totale d’impôt sur le revenu au bout de 22 années de détention.
Le vendeur de l’œuvre d’art devra déposer au service des impôts de son domicile une déclaration de plus-value de cession de bien meuble accompagnée du paiement correspondant, dans le délai d’un mois à compter de la cession.
Cette option est plus avantageuse pour le vendeur lorsque la plus-value sur la cession de l’œuvre d’art sera faible, ou lorsque le vendeur détient cette œuvre depuis plus de 22 ans.
II. Le régime de TVA de la cession d’une œuvre d’art modifié à partir du 1er janvier 2025
Jusqu’au 31 décembre 2024, la première vente d’une œuvre d’art faite par l’artiste lui-même ou par ses ayants droits, ainsi que l’importation des œuvres d’art en France sont soumises à un taux de TVA réduit de 5,5%[10]. En revanche, la revente de ces œuvres est taxable au taux de 20%.
S’agissant de l’assiette de cette taxe, le régime applicable en matière de livraisons d’œuvres d’art est celui de la taxation sur la marge. Il convient néanmoins de distinguer deux régimes sur la marge :
· Le régime de la marge bénéficiaire : pour les professionnels du marché de l’art qui acquièrent une œuvre d’art auprès d’un non redevable de la TVA ou d’une personne qui ne peut pas la facturer, ce régime s’appliquera de plein droit[11].
Le régime de la marge bénéficiaire pourra également être choisi sur option sous certaines conditions prévues à l’article 297 B du code général des impôts.
· Le régime de la marge forfaitaire : en l’absence d’option ou lorsque la marge bénéficiaire n’est pas déterminable ou lorsque ce prix n’est pas significatif, l’assiette de la TVA sera constituée de la marge forfaitaire de 30% du prix de vente[12].
L’application du régime de la marge interdit au revendeur de déduire la TVA réglée en amont lors de l’acquisition de l’œuvre d’art[13].
Néanmoins, le revendeur peut, pour chaque livraison d’œuvres d’art, décider de ne pas se soumettre au régime sur la marge mais au régime général de la TVA applicable aux autres assujettis[14]. Selon ce régime, le taux de TVA de 20% sera applicable sur le prix de vente total du bien. Dans ce cas, le revendeur pourra déduire la TVA supportée lors de l’importation ou de l’acquisition de l’œuvre.
Mais à partir du 1ᵉʳ janvier 2025[15], le taux de TVA sera réduit à 5,5 % du prix de vente total pour toutes les livraisons d’œuvres d’art, y compris à la revente et il sera possible de déduire la TVA du prix d’acquisition de l’œuvre d’art supportée en amont.
Une option reste possible pour une TVA à 20% sur la marge bénéficiaire, dans la seule hypothèse où le vendeur a acquis une œuvre d’art auprès d’un non redevable de la TVA ou d’une personne qui ne peut pas la facturer. Dans cette hypothèse, il ne sera toutefois pas possible de déduire la TVA du prix d’acquisition.
Cette option restera probablement moins intéressante que l’application de la TVA à 5,5%.
NB: Cet article a été rédigé en 2024 en considération de la loi de finance applicable cette même année. Les dispositions légales étant très évolutives, il convient de s'assurer de leurs éventuelles modifications depuis cette date avant toute prise d'option.
[1] Article 150 VJ du CGI
[2] Article 150 VL du CGI
[3] Articles 150 VI et 150 VK du CGI
[4] Article 74 S bis du CGI, annexe II
[5] Article 150 VK du CGI
[6] Article 1761 du CGI
[7] Article 150 VM, III-1° du CGI
[8] Article 150 VL du CGI
[9] Article 150 VC du CGI
[10] Article 278-0 bis, I du CGI
[11] Article 297 A, I. du CGI
[12] Article 297 A, III. du CGI
[13] Article 297 D du CGI
[14] Article 297 C du CGI
[15] LOI n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024
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