Comment gérer l’exécution de vos contrats d’affaires en état d’urgence sanitaire ?
Réfléchissez, anticipez, restez prudents
L’état d’urgence sanitaire instauré le 23 mars 2020 a entraîné la mise en place de mesures étatiques inédites en matière fiscale, sociale et commerciale.
Qu’en est-il du point de vue contractuel ? Peut-on, sans risques, suspendre l’exécution des contrats de droit privé en invoquant la « force majeure » ?
Soyez prudents car cette notion, souvent galvaudée, répond à une définition juridique bien précise et vous devrez notamment, pour vous en prévaloir, prouver que la suspension du contrat ne pouvait pas être évitée par la mise en place de mesures appropriées.
On parle de force majeure « lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur » (article 1218 du Code civil),
Trois critères cumulatifs doivent donc être remplis pour répondre à cette définition de « force majeure » :
- Extériorité (survenue d’un phénomène purement extérieur à la relation contractuelle, qui n’est du fait d’aucune partie au contrat),
- Imprévisibilité (pouvait-on « raisonnablement » s’attendre à cet événement ?)
- Irrésistibilité (malgré tous les efforts engagés par le cocontractant, les conséquences de l’évènement extérieur et imprévisible ne peuvent pas être surmontées)
L’appréciation de ces critères peut avoir été aménagée, restreinte ou élargie lors de la conclusion de vos contrats qu’il convient donc de vérifier attentivement.
En tout état de cause, réfléchissez, anticipez et restez prudents avant de suspendre prématurément vos obligations du fait de la force majeure.
En effet, la jurisprudence a régulièrement refusé de considérer qu’une épidémie constituait par nature un cas de force majeure, notamment lors des épidémies d’H1N1 ou de Chikungunya.
Toutefois, l’ampleur et le caractère inédit de la pandémie de COVID 19, imposant le confinement de plus de la moitié de population mondiale, des restrictions drastiques de circulation, ainsi que les fermetures administratives de nombreux commerces et établissements recevant du public, devraient être pris en compte par les juridictions et, dans la majorité des cas, la preuve de l’extériorité et de l’imprévisibilité ne devrait pas poser de grandes difficultés.
Pour ce qui concerne en revanche le critère de l’irrésistibilité, vous devrez vous ménager non seulement la preuve du fait que l’inexécution contractuelle est directement imputable à la pandémie (et pas, par exemple, à des difficultés personnelles antérieures), mais également que la suspension du contrat ne pouvait pas être évitée par la mise en place de mesures appropriées.
En d’autres termes, aucune mesure appropriée ne pouvait être mise en place pour vous permettre d’exécuter vos obligations contractuelles ou, malgré les mesures prises, vous n’avez pas pu exécuter le contrat.
Soulignons également que pour les contrats conclus depuis le 1er octobre 2016, la notion juridique d’imprévision (article 1195 du Code civil) vous permettrait, sauf clause contractuelle contraire, de demander une renégociation contractuelle si les 3 conditions suivantes sont réunies :
- un changement de circonstances imprévisible lorsque vous avez conclu le contrat,
- ayant rendu l’exécution de votre obligation excessivement onéreuse,
- sans que vous en ayez accepté le risque.
En conclusion, afin de préserver vos intérêts juridiques, contractuels et financiers en cette période de crise sanitaire, nous vous conseillons :
· d’étudier, avant toute suspension de contrat, toutes les mesures susceptibles d’être mises en place pour en poursuivre l’exécution (y compris partiellement, le cas échéant) et de les mettre en œuvre si c’est possible,
· de vous rapprocher systématiquement de vos cocontractants afin d’étudier ensemble vos capacités respectives à exécuter le contrat et de tenter de trouver amiablement un accord au sujet des conditions de sa poursuite (aménagement des délais, des prestations et de leurs conditions, voire des conditions de résiliation),
· de conserver toutes les preuves écrites de l’irrésistibilité de la situation à laquelle vous avez été confronté et des mesures que vous avez tenté de mettre en place : échanges avec les cocontractants, tentatives d’accords amiables, démarches effectuées pour tenter de remédier à vos difficultés, mesures prises pour tenter d’exécuter vos obligations etc.
Bien entendu, en cette période de crise, les mesures indispensables à assurer la préservation de votre santé et de votre sécurité ainsi que celle de vos collaborateurs, salariés et partenaires commerciaux sont également essentielles.
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